Le sens voméronasal

"La fonction voméronasale existe chez les lézards et chez les mammifères (à l'exception des cétacés et des primates supérieurs), mais c'est chez les serpents qu'elle atteint le perfectionnement le plus poussé.

 

Longtemps considérée comme un complément de l'olfaction, elle s'en distingue par la nature du stimulus et les centres nerveux qui lui sont associés. Elle est à l'origine de nombreux comportements dont on commence à mesurer la signification et la diversité. La langue, fine et bifide ("fourchue"), que le serpent sort et rentre à des rythmes variés et sur une plus ou moins grande longueur, recueille, par de brefs contacts avec le substrat, des molécules non volatiles qu'elle transporte au voisinage de l'organe récepteur : l'organe voméronasal ou organe de Jacobson.

 

Situé dans la cavité nasale, il s'ouvre au plafond de la cavité buccale par deux orifices. Les cellules sensorielles de cet organe réagissent au contact de molécules spécifiques par des influx nerveux qui gagnent les bulbes olfactifs accessoires, et de là d'autres centres encéphaliques et plus particulièrement le noyau sphérique. Les serpents, en particulier les couleuvres, ont développé au plus haut point cette fonction ; chez certains Colubridés, le bulbe voméronasal est beaucoup plus volumineux que le bulbe olfactif principal. L'observation d'une Vipère aspic (Vipera aspis) en conditions expérimentales montre que le comportement initial se compose de "coups de langue" pour explorer le milieu. Elle peut ainsi reconnaître une proie, la pister si elle se déplace, l'attaquer puis la retrouver si elle s'échappe après avoir été mordue. La fonction vomeronasal n'est pas seule à l'origine d'un tel comportement ; néanmoins, chez la plupart des espèces, elle prédomine sur les autres fonctions (olfaction, vision ou thermosensibilité).

 

Schéma de la fonction voméronasal chez le serpent apparu dans divers ouvrages terrariophiles...

 

La fonction voméronasale favorise également des relations entre individus d'une même espèce. Elle permet de pister des congénères pour former avec eux les fameux "noeuds de serpents", agrégats rencontrés surtout en début d'hivernage, servant à maintenir une certaine cohérence sociale et participant au rapprochement des sexes au début du printemps.

 

Le comportement sexuel est déclenché chez le serpent-jarretière (Thamnophis sirtalis) par la détection d'une phéromone oestrogène dépendante, substance chimique émise par la peau de la femelle. Il débute par de rapides coups de langue, suivis du redressement du corps des partenaires, du rapprochement des cloaques et de la copulation. Chez les espèces des régions tempérées, la parade nuptiale n'est pratiquée que par les mâles qui ont subi l'hivernage, et le rôle de l'organe voméronasal y est essentiel. On a mis en évidence, chez ces mâles, des hormones sexuelles qui agissent sur les structures encéphaliques impliquées dans la fonction voméronasale : une fois encore le noyau sphérique. On ignore si ces comportements existent chez tous les serpents, car le nombre d'espèces étudiées est actuellement trop limité."

 

Texte de Roland Platel

Langue bifide de sortie chez la couleuvre de l'amour (Elaphe schrenckii) qui analyse son environnement...

 

Idem chez une jeune femelle Morelia spilota...

 

Langue de sortie chez le Boa constrictor, photo de Kevin Level...

 

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